Il ne faut pas croire que la machine à vapeur est une technologie dépassée. Certes, on ne voit plus dans nos campagnes de trains à vapeur ni sur les fleuves américains de ces bateaux à vapeur qui font le charme de certains films mais les cycles utilisant la vapeur sont encore d’actualité car une grande partie de la production d’électricité est basée sur cette technique. En effet, les centrales thermiques comme les centrales nucléaires ne sont rien d’autres que d’immenses machines à vapeur, que la chaleur soit apportée par la fission de l’uranium, ou par la combustion de charbon, de pétrole ou de gaz, le principe général de ces centrales reste le même. C’est ce principe que nous allons examiner dans ce chapitre. Un film réalisé par EDF détaillant le fonctionnement d’une centrale nucléaire vous sera projeté. On se concentrera en particulier sur le passage qui décrit le fonctionnement de la boucle secondaire qui est l’objet de notre étude.
D’une chaudière permettant de produire de la vapeur à haute température et à haute pression
D’une turbine où la vapeur vient se détendre en cédant une partie de son énergie sous forme de travail. Le travail ainsi récupéré sur un arbre moteur est transmis aux alternateurs de manière à le convertir en énergie électrique.
Figure 7.1 Schéma de principe d’une machine à vapeur
D’un condenseur où la vapeur est ramenée à l’état liquide à basse pression et basse température. A l’origine, les premières machines à vapeur ne possédaient pas de condenseur et la vapeur détendue était rejetée directement dans l’atmosphère ce qui donnait ces jolis panaches de fumées blanches. L’idée du condenseur est due à Rankine qui donnera son nom au cycle thermodynamique décrit plus bas. L’intérêt du condenseur est de permettre une détente jusqu’à une pression inférieure à la pression atmosphérique ce qui augmente le travail récupéré
D’une pompe refoulant le liquide condensé dans la chaudière pour que le cycle puisse recommencer.
L’eau circulant dans l’installation va décrire le cycle ABCDE représenté sur la figure ci contre.
Le point D et le point E sont très proches sur le diagramme car la pompe ne fait qu’augmenter la pression en fournissant un travail négligeable par rapport aux autres échanges d’énergie en jeu. En pratique, on ne considère que le cycle ABCD nommé cycle de Rankine.
Figure 7.2 Cycle de Rankine (diagramme entropique)
Détaillons un peu:
point A liquide saturé, haute pression haute température. C’est l’état de l’eau juste au point où elle va être vaporisée.
AB vaporisation dans la chaudière
Point B: Vapeur saturée, haute pression haute température
BC Détente de la vapeur. On la considère généralement comme adiabatique et réversible. Si la vapeur entrante est saturée, le diagramme nous montre que la vapeur doit être partiellement liquéfiée à la sortie.
Figure 7.3 cycle de Rankine (diagramme de Mollier)
Point C vapeur détendue, ici c’est un mélange liquide vapeur contenant une grande proportion de vapeur, le tout à basse pression et à basse température.
CD Condensation de la vapeur. La vapeur est transformée en liquide. Ce processus doit dégager de la chaleur. Le condenseur est généralement un échangeur de chaleur dans lequel un courant d’eau froide constituant un circuit distinct vient prendre la chaleur dégagée par la condensation pour l’évacuer dans le milieu ambiant.
Point D liquide saturé froid à basse pression qui sera réinjecté dans la chaudière par l’intermédiaire de la pompe.
DE Passage du liquide à travers la pompe. Ce processus nécessite peu d’énergie en comparaison des autres quantités d’énergie échangées. En effet, l’apport de chaleur est quasi nul dans cet appareil et l’apport de travail est trop faible (du fait de la très faible compressibilité du liquide) pour que la température varie de manière sensible. Dans la pratique, on néglige purement et simplement cette étape en assimilant le point E au point D.
point E Le liquide comprimé mais à basse température introduit dans la chaudière.
EA (ou DA) Le liquide se réchauffe dans la chaudière en passant de l’entrée jusqu’à l’endroit où il sera vaporisé soit en formant une bulle, soit en s’évaporant à la surface.
On a ici un fluide (l’eau) s’écoulant à travers les divers organes de la machine. Pour les calculs énergétiques, on aura donc recours à la forme du premier principe développée pour les écoulements stationnaires dans le chapitre 5.
Travail récupéré au niveau de la turbine.
Pour le passage dans la turbine, c’est à dire pour l’évolution BC, on a:
La détente dans la turbine sera supposée adiabatique et réversible (donc isentropique) et la variation d’énergie cinétique est négligée. Il reste donc:
Remarquons que ce travail massique utile est négatif, ce qui est bien conforme à ce qui est attendu puisqu’il agit d’un travail perdu pour la vapeur et donc gagné par le milieu extérieur c’est à dire ici l’alternateur.
La puissance sera alors donnée par où est le débit de vapeur traversant la machine.
Chaleur fournie par la chaudière
De la même manière que précédemment, on écrit
Cette fois ci, c’est le travail utile qui est nul dans la chaudière. De même, la variation d’énergie cinétique est négligeable et il reste:
La puissance calorifique reçue par l’eau dans la chaudière est alors:
rendement par rapport à l’isentropique dans la turbine:
Pour une comparer une détente adiabatique réelle (non réversible) à une détente idéale (réversible donc isentropique), prise comme référence, on définit le rendement par rapport à l’isentropique, comme le rapport où est le travail récupéré au cours de la détente réelle et est le travail qu’aurait produit une détente isentropique avec les mêmes conditions de départ et la même pression finale. Par définition ce rendement est forcément inférieur à 1 car c’est l’isentrope qui donne le travail maximal pour une pression finale donnée. Ceci peut être montré facilement. (voir exercices).
Note
Le terme de rendement est assez mal choisi et peut prêter à confusion car il ne s’agit pas ici d’une conversion d’énergie mais c’est le terme consacré et nous nous conformerons à l’usage.
Inconvénient du cycle de Rankine décrit précédemment:
Figure 7.4 Circuit vapeur avec surchauffeur
La vapeur sortant de la chaudière étant saturée, on trouvera à la sortie de la turbine un mélange liquide-vapeur comme on peut le voir sur le diagramme. Une partie de la vapeur se condense au cours de la détente. Les gouttelettes de liquide formées sont fortement accélérées à l’intérieur de la turbine, ce qui a tendance à détériorer les pales de la turbine et à limiter le temps de fonctionnement de ces appareils.
Solution :
Figure 7.5 cycle de Hirn (diagramme entropique)
Si l’on veut remédier à ce problème, on doit faire en sorte que le fluide sortant de la turbine soit de la vapeur surchauffée. La solution consiste à séparer la vapeur du liquide en sortie de chaudière et à la surchauffer. On intercale entre la sortie de la chaudière et l’entrée de la turbine un surchauffeur dans lequel la vapeur n’étant plus en contact avec le liquide peut être chauffée jusqu’à une température plus élevée alors que la pression restera sensiblement constante.
On peut ainsi, limiter voire supprimer, si l’on mène la surchauffe assez loin, la condensation dans la turbine.
Un autre avantage de la surchauffe est que le travail récupéré dans la turbine sera plus important ce qui dans certains cas peut améliorer le rendement. En effet, on voit bien sur le diagramme que la variation d’enthalpie dans la turbine est plus importante avec une surchauffe pour une même baisse de pression.
Figure 7.6 Cycle de Hirn (diagramme de Mollier)
Calcul du rendement:
Pour le calcul du rendement, il y a lieu de tenir compte de la chaleur reçue par la vapeur dans le surchauffeur. La quantité de chaleur apportée par la source chaude sera alors:
Il peut être avantageux d’utiliser une turbine à deux corps. Les deux corps de turbine sont généralement couplés sur le même axe ce qui permet de récupérer toute la puissance mécanique sur un seul arbre moteur. La vapeur se détend une première fois dans le premier corps jusqu’à une pression intermédiaire. La vapeur sortant du premier corps est alors resurchauffée à cette pression intermédiaire puis est dirigée vers le deuxième corps de turbine où elle est détendue jusqu’à la pression finale.
Figure 7.8 Cycle de Hirn avec re-surchauffe (diagramme entropique)
Les avantages d’une telle installation, sont les suivants.
Il est plus facile de cette façon d’obtenir un point final dans la zone de vapeur surchauffée ce qui garantit la longévité de la turbine.
D’autre part, le travail récupéré est plus important, ce qui augmente la puissance récupérée pour le même débit de vapeur.
Ces avantages sont obtenus au prix d’une plus grande complexité de l’installation et d’un prix plus élevé.
Figure 7.9 Cycle de Hirn avec re-surchauffe (diagramme de Mollier)
Le rendement peut être amélioré dans certains cas. Généralement, les turbines à vapeur fonctionnent avec une pression de condensation très faible ( environ 0,1 bar) ce qui permet de récupérer plus de travail. (voir plus haut: utilité du condenseur). Mais dans ce cas, la chaleur récupérée au niveau condenseur est généralement inutilisable car la température de sortie de l’eau de refroidissement est alors trop basse (inférieure à 50°C). Dans un grand nombre de cas, la chaleur de condensation est simplement rejetée dans le milieu extérieur ( voir par exemple les tours de refroidissement qui accompagnent souvent les centrales nucléaires.), ce qui représente un gâchis important du point de vue énergétique.
Dans les turbines à contre-pression, la détente est arrêtée à une pression supérieure (donc T supérieure) ce qui limite la quantité de travail récupérée ( ) mais alors la quantité de chaleur rejetée au condenseur ( )peut être utilisée par exemple pour chauffer des locaux ou des serres. Par exemple, si la détente est arrêtée à 1 bar, la température de condensation est de 100°C ce qui permet de distribuer de l’eau chaude à 90°C. Les quantités de chaleur ainsi récupérées peuvent être considérables.
Dans certaines installations, on réalise une détente étagée comme ci-dessus pour le cycle à resurchauffe mais, ici une partie du flux de vapeur issu du premier corps de turbine est dérivé vers un mélangeur opérant à la pression intermédiaire, mélangeur dans lequel cette vapeur prélevée est mélangée au flux de liquide provenant du condenseur. La vapeur se condense au contact du liquide froid provenant du condenseur, ce qui a pour effet de préchauffer ce liquide.
Figure 7.11 Cycle à soutirage (diagramme entropique)
Le flux de vapeur soutiré est calculé de telle sorte que la température finale du liquide soit précisément la température de saturation correspondant à la pression intermédiaire. On obtient donc en sortie du mélangeur un liquide saturé à la pression intermédiaire (et à la température intermédiaire) qui est ensuite injecté dans la chaudière. Le flux total de vapeur est ainsi reconstitué. L’intérêt de ce type d’installation ne saute pas aux yeux. Pourtant, un tel dispositif permet d’augmenter sensiblement le rendement. En effet, grâce à la chaleur de condensation du flux prélevé qui est récupérée pour préchauffer l’eau sortant du condenseur, les irréversibilités dues au chauffage de cette eau sont réduites. L’étude d’un tel cycle est assez complexe et sera éventuellement vue en exercice ou avec un logiciel de simulation.
Figure 7.12 Cycle à soutirage (diagramme de Mollier)